En leur temps, Descartes, Vermeer, Kepler et bien d’autres se passionnèrent pour les sciences de l’optique et de l’astronomie, afin de mesurer l’infiniment grand comme l’infiniment petit, considérant l’œil comme un pur vertige. Les peintres, les cartographes et les hommes de science spéculaient déjà sur les hypothétiques constituants géométriques de la matière et de la lumière pour établir des correspondances prodigieuses entre le ciel et la terre, entre le « cerveau et le cosmos», jetant ainsi les premières bases de la conquête spatiale devenue aujourd’hui un gigantesque terrain de jeu.
En observant certaines œuvres de Vermeer, on peut être surpris par sa manière de représenter le « toucher ». Dans l’astronome, le personnage effleure son globe avec la même curiosité que les pigments que broie le peintre patiemment. Il y a là quelque chose qui tient de la prophétie. Dès cette époque révolue, l’homme envisage d’aller plus loin, bien plus loin.
« L’œil du Rhizome » . Descartes, dans « la dioptrique », décrit l’expérience d’un œil-de-bœuf frais placé dans l’oculus d’une porte révélant une vision du monde amplifiée, comme à travers les premières optiques astronomiques. Jean-Pierre Luminet relate dans « sphères, polyèdres et cosmos » toute une histoire de cette cosmologie : « Les concepts d’harmonie universelle et de représentation géométrique du monde ont très tôt été appliqués à l’étude du firmament. Au IV siècle av.J.-C., Platon adopta le terme « cosmos » pour désigner l’ensemble formé par la terre et les astres. Les astronomes et les philosophes de ce temps avaient déjà compris que les mouvements des astres n’étaient pas aléatoires, mais suivaient des lois permettant de les prédire ; ce fut le point de départ de l’application de la géométrie à la compréhension des mécanismes du cosmos.
« La boîte des géomètres » . Platon et son disciple Aristote introduisirent une distinction entre le monde sublunaire et le monde supralunaire. Le premier, s’étendant de la terre à la lune, était constitué de quatre éléments matériels, la terre, l’eau, l’air, le feu, ainsi que de leurs combinaisons. Le monde supralunaire, en revanche, comprenant les astres, les cieux et le firmament, était le royaume de la perfection, supposé éternel et invariable. Platon imagina une cinquième essence, la « quintessence », sous la forme du dodécaèdre lui permettant de compléter son modèle géométrique du cosmos. Élément de transition entre les mondes sublunaire et supralunaire, il fut nommé « éther », dont l’étymologie signifie : « court toujours, comme les astres autour de la terre ». En évoquant l’homme à l’image du géomètre, ce rapprochement dans l’ordre des choses et des idées ne pouvait que nourrir des correspondances formelles allant de la découverte de la forme d’un atome au schéma de l’organisation spatiale.
« La musique des sphères » . La cristallographie cosmique est un phénomène décrit par Jean-Pierre Luminet repérant dans la distribution tridimensionnelle des objets célestes lointains une partition géométrique répétitive produisant des sons grâce à l’ellipticité des orbites planétaires. « Imaginons une pièce tapissée de miroirs et plaçons-nous au centre de cet espace. Les réflexions répétées reproduisent un réseau infini s’étendant sur la combinaison des plans. Cette combinaison simulée est partie intégrante de la classification topologique des espaces ». En 1991, Luminet conçoit, par captation d’un radiotélescope, une œuvre astronomique et musicale intitulée « le noir de l’étoile ».