Préambule

 

 Mes recherches artistiques se fondent à l'origine sur l'énigmatique iridescence d'un pigment bleu. Durant plusieurs années, je me suis astreint à le "peindre" en carré, entre matière et lumière.

J'ai fait de cette forme une récurrence et la base d'une équation, dont la géométrie s'est imposée comme le seul dessin possible.

 

Dans une première phase (Œuvres I / outre physique), je me suis concentré sur une exploration des propriétés chimiques du pigment, dans le noir, entre surface et profondeur, entre microscopie et macroscopie, enfermé dans le vertige d'une vision que j'ai cherché à reproduire.

 

Dans un second temps, marqué notamment  par l’œuvre  d'Albers et de Merleau-Ponty, j'ai approché la lumière pigmentaire d'une manière plus formaliste et plus philosophique, ouvrant mon schéma à des recherches sur la perception, entre art et science...(Œuvres II / Signe Lumière). J'ai alors décliné le carré sous d'autres latitudes.

 

 Inspiré de prime abord par les formes pures, je nourris aussi dans la confidentialité de mon atelier, un intérêt pour une géométrie « naturaliste » très éloignée de l'art concret, une géométrie de la nature...

 

Je me suis imposé un protocole de recherche qui passe par des lectures et des expériences sur la structure ordonnée du visible, par la compréhension des constituants de la matière, du moléculaire au bulbaire, de l'organique au minéral...

Une donnée essentielle, à l'origine de mes travaux récents, est décrite dans un vieux manuel d''ornithomancie : « Être attentif à certains signes, comme l'était l'Auspex (devin grec) pointant son bâton vers le ciel, y traçant un carré, et attendant que les oiseaux viennent voler à l'intérieur de ce périmètre virtuel pour interpréter leurs trajectoires et comprendre les mystères du monde»

Cette légende est peut-être la part de lyrisme retrouvée dont je me suis toujours défendu. Pendant des années, j'ai peint des centaines de carrés de lumière sans comprendre véritablement pourquoi. J'ai cédé à la fascination...

Dessiner un carré est un rituel ancestral qui permet de circonscrire « un territoire qui ne peut l'être ». Cette forme a toujours symbolisé le fini. J'ouvre ainsi ma boîte de Pandore : Autour du carré, que l'on peut vraisemblablement interpréter comme un ciel dans mon travail, prolifère désormais une syntaxe cosmogonique. Elle s'appuie largement sur les concepts d'harmonie universelle et de représentation géométrique du monde définis par Platon dans son fascinant travail sur la symbolique des polyèdres, sur la cristallographie cosmique, l'ordre premier de la forme et « les artistes géomètres ».

Fidèle à ces enseignements prodigieux, J'ai l'impression de me fabriquer « un monde » imbibé de croyances lointaines. Dans mon esprit, il se présente comme un cabinet de curiosités. Je fabrique des petites sculptures aux formes primaires, je reconstitue des boîtes optiques et des chambres noires. Par le dessin ou la gravure, je reproduis des coupes de cellules, des cristaux d'eau, des croissances fractales, des rythmes d'oscilloscope... Je réalise des installations avec des pyrites et d'autres pierres géométriques qui m'évoquent des territoires perdus, des constellations, des cartes cosmiques...