J. Vermeer . « L’allégorie de la peinture » . 1666 / 1667
La reproduction de cette œuvre restée énigmatique a toujours trôné dans mon atelier. Dans les ouvrages spécialisés, elle est d’abord décrite comme la métaphore parfaite de l’acte de peintre. Pour ma part, je ne me suis jamais vraiment senti inspiré par les prouesses picturales. Ce qu’il y a de fascinant dans ce tableau est une invisibilité.
Le terme de « Nova Descriptio » apparaît écrit pour la première fois de façon lisible sur le motif brodé de la carte murale de Visscher, un contemporain du peintre, de part et d’autre du splendide chandelier. Vermeer l’a reconstituée par la peinture, dans sa physicité précise, comme si c’était l’original du document gravé qu’il possédait dans son atelier. En signant la carte de son nom dans le liseré noir derrière la nuque de la Muse de l’Histoire phagocytée par la lumière, le peintre cherche ainsi à s’identifier au cartographe.
La nova descriptio, héritée de Van Eyck, fonde la tradition de la peinture hollandaise du XVII siècle marquée par une culture de la vue et non du récit.
La peinture des pays du nord est une peinture chargée par l’allégorie prodigieuse du réel lui-même. On dit de cette peinture qu’elle répond à l’« ut pictura ita visio ». Que l’œil est déjà un acte de représentation. L’art se confondant avec la science se donne pour objectif de disséquer avec méthode la réalité perceptible. Il n’y a d’autre allégorie que le vertige de cette « nouvelle description de l’univers ».